jeudi 17 avril 2008

Interview de Patrick Rakotomalala, DG de l’AFCEPF


Monsieur Patrick Rakotomalala est Directeur Général de l’organisme de formation AFCEPF (www.afcepf.fr) et Membre VIP du CLUB IT-NETWORK

Aujourd’hui, le chômage des informaticiens semble très faible. Quelle en est votre analyse ?

Certains disent le taux de chômage des informaticiens proche de 2%. D’autres, dont moi, le situent à 5% de la population des informaticiens en France (qui sont environ 600 000). 30 000 informaticiens seraient ainsi au chômage. En réalité, on ne sait pas vraiment qualifier cette population en termes d’effectifs, de profils ou de métier. S’agit-il de pupitreurs, d’administrateurs, de développeurs. Les codes métiers du répertoire ROME ne sont pas assez fins pour permettre aux acteurs de l’emploi de mieux analyser cette population. On ne sait pas non plus caractériser précisément le chômage de ces informaticiens en termes de durée, de périodicité.

En tout cas, le constat est le suivant : en tant qu’organisme de formation, nous avons des difficultés à monter nos actions de formation. Si les SSII n’arrivent pas à recruter faute de candidats, à l’identique les organismes de formation ne trouvent plus à former, alors même que les budgets publics sont là.

Et cette pénurie de profils d’informaticiens risque de perdurer. Bien qu’au sujet de la conjoncture, on assiste à des interprétations contradictoires auprès des SSIIS et des recruteurs. Les pessimistes ralentissent leur rythme de recrutement, les optimistes continuent à investir et à vouloir gagner des parts de marché.

Ce marché de l’emploi informatique est il stable, et ne risque t il pas de se retourner, avec à la clé une récession et une crise de l’emploi telle qu’on l’a connue en 2001 ?

L’équation des pessimisto-prudents est : Perte de confiance dans la situation économique = Généralisation mouvement de prudence = gel des investissements = reports de projets = chute des recrutements. La bonne tendance actuelle, selon eux, ne serait que conjoncturelle. Ce scénario ne semble pas encore, à aujourd’hui, se confirmer.

Pour les optimistes la situation actuelle est structurelle. Ils nous proposent l’équation suivante : besoin de compétitivité (structurel) = besoins de gains de productivité (structurel) = investissements informatiques (dégel structurel de la période de glaciation 2001-2004) = marché de l’emploi actif … Contrairement à la période de la bulle internet de 2001, les fondements économiques du marché de l’emploi informatique semblent bons, et promettent une activité à croissance stable jusqu’à l’horizon 2015.

En fait, on y verra plus clair dans 3 mois. Si la rentrée est correcte, on sera tranquille pour un bout de temps.

La crise des subprimes et la récession actuelle que connaissent les USA risquent elles de remettre en question l’hypothèse optimiste ?

Il serait abusif et imprudent de répondre catégoriquement « non ! ». Mais on ne peut répondre non plus par l’affirmative. A aujourd’hui (09 Avril 2008) en effet, les grandes SSIIs que nous connaissons comme partenaires confirment encore leur perspectives et besoins de recrutement pour 2008. Un indicateur significatif est probablement le nombre de stands sur les salons de recrutement. Le dernier salon des Jeudis de l’Informatique du mois d’Avril attire encore 84 stands recruteurs !!! Autre indicateur : les démarches de séduction des très grosses SSII vers l’Afcepf qu’elles estiment désormais source de recrutement à privilégier.

Le marché est donc porteur. L’administration est toujours dans ses gros projets. Les banques lancent de gros projets. Les assurances perdurent dans leurs gros projets. Phénomène curieux, les banques d’investissement, qui auraient dû être touchées par la crise actuelle, investissent de plus belle dans leur S.I. Et pour cause : elles doivent optimiser leurs systèmes de contrôle et faire de nouveaux gains de productivité.

Face à cette pénurie, assiste-t-on à un changement de mentalité des informaticiens et à une évolution des pratiques du marché ?

Pour avoir vécu quelques cycles de croissance et de dépression 1992 (dépression) – 1997 (croissance) – 2001 (dépression) – 2005 (croissance) je dois constater que les attitudes et pratiques sont immuablement les mêmes parce qu’elles répondent au jeu de l’offre et de la demande. Les dérives et surenchères actuelles sont les mêmes que celles de la période faste 99-2000. Les informaticiens se mercenarisent. Les recruteurs déploient des trésors de séduction. Et les DRH font concours d’inventivité pour gérer cette inflation de salaires qui fait exploser la paix sociale au sein des entreprises : Quand l’ingénieur embauché à 32K€ il y deux ans, qui est arrivé à négocier son expertise et ses deux ans d’expérience à 36k€ , voit embaucher ses nouveaux jeunes collègues débutants à 37 K€, il a de quoi « péter un plomb ». Et les DG des SSIIs pleurent de nouveau sur la flambée de leur Turn-over.

Quelles sont les technologies qui ont le vent en poupe ?

Je n’exprimerai ici qu’une vision parcellaire du marché, puisque ne remonte vers nous que le « buzz » qui nous concerne. Les entreprises qui nous reconnaissent comme des experts de la formation en nouvelles technologies Java 2EE, SOA, MDA, .Net, CMMI ou en formation au décisionnel sous BusinessObjects, Informatica et SqlServer 2005 ne vont venir chez nous se plaindre de leurs difficultés à recruter des développeurs PowerBuilder ou SAP !!!

Mais à l’évidence, dans notre cadre à nous, les compétences en développement Java 2EE sont aujourd’hui les compétences les plus courues. Nos sessions Java 2EE/SOA ,ou C#.net sont celles sur lesquelles nos taux de reclassement à l’emploi sont les plus élevés et les délais de retour à l’emploi afférents les plus courts (en moyenne > 85% à 1 mois de la fin de la formation).

Nos auditeurs informaticiens seniors (45 ans de moyenne d’âge) qui suivent notre cursus BusinessObjects/Informatica/ et vivent des délais très courts de retour à l’emploi prouvent aussi que le marché du décisionnel est extrêmement actif.

Dans ce contexte porteur pour l’informatique, est-il possible de se reconvertir professionnellement vers l’informatique ?

Oui absolument. C’est sur les actions de reconversion de profils Bac+4/5, non informaticiens issus de cursus scientifiques ou non scientifiques, que nous formons aux métiers des Etudes et Développement en environnement Java 2 EE, C#.net que l’Afcepf a les meilleurs résultats en termes de retour à l’emploi. Nous avons régulièrement sur ces sessions des taux de reclassement de l’ordre de 100%

Maintenant il faut préciser que, même si rien n’est impossible, il est tout de même hasardeux d’envisager une reconversion pour se re-positionner sur des postes de développeur junior débutant J2EE à 45 ans.

Venons-en aux statuts. D’après vous, comment les informaticiens perçoivent-ils le statut de freelance ou le portage salarial ?

Les informaticiens ne connaissent pas ou prou ces statuts. Ils n’ont pas suffisamment conscience qu’ils peuvent offrir aux SSIIs à travers le portage salarial, une solution ponctuelle pour des missions courtes de quelques jours ou de plusieurs mois sur des profils seniors très expérimentés à l’expertise éprouvée, par exemple.

De fait, le positionnement en indépendant, en portage salarial comme au sein de ITG ou en entreprise individuelle, offre des alternatives intéressantes aux différents acteurs.

Alternative aux entreprises (SSIIs incluses) : parce qu’elle peuvent acheter les ressources d’experts et de seniors de manière ponctuelle sur une mission sans avoir à gérer les conflits d’une remise en question de leurs échelles de rémunération,

Alternative aux Informaticiens, qui au-delà de la liberté et de l’autonomie, peuvent trouver des niveaux de rémunération plus motivants.

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